Impayés :
Attention à la Prescription
Qu’est-ce que la prescription ?
La prescription désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice, civile ou pénale, n’est plus recevable. Dans le domaine du recouvrement de factures, lorsque le délai de prescription d’une facture est atteint le créancier ne peut plus saisir les tribunaux d’une procédure de recouvrement ordinaire comme la requête d’injonction de payer. La prescription désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice, civile ou pénale, n’est plus recevable.
Dans le domaine du recouvrement de factures, lorsque le délai de prescription d’une facture est atteint le créancier ne peut plus saisir les tribunaux d’une procédure de recouvrement ordinaire comme la requête d’injonction de payer.
Deux types de prescriptions sont à distinguer, en matière commerciale et en matière civile:
- La prescription commerciale intervient dans les relations entre un professionnel et un non consommateur, on désigne par là une entreprise commerciale, un commerçant ou un professionnel.
- La prescription civile s’applique dans les relations entre un professionnel et un consommateur ou entre deux non professionnels.
Quels sont les délais de prescription en matière commerciale ?
En effet, en présence d’une facture restée impayée le créancier dispose d’un délai de 2 ans pour saisir les tribunaux et recouvrer sa facture lorsque le débiteur est un consommateur.
En revanche ce délai est de 5 ans lorsque le débiteur est un professionnel, une société commerciale ou un commerçant.
Le plus souvent les délais de prescription en matière civile et commerciale commencent à courir 30 jours à compter de la date de réception des marchandises ou de l’exécution de la prestation de services. Le législateur a réduit le délai à 20 jours lorsque la facture concerne certains produits, comme les produits périssables.
Il arrive cependant que le vendeur fixe des délais de paiement différents, dans la limite de 60 jours après la date d’émission de la facture. Dans cette situation le délai commence à courir à la fin des 60 jours.
Donc logiquement, le délai de prescription devrait courir à compter du jour où le bien ou la prestation de service a été vendu ou fourni au consommateur.
Ce serait trop simple, et la jurisprudence de la Cour de cassation en apporte la démonstration :
1. Première formule
Le point de départ du délai de prescription biennale se situe au jour de la facture.
Selon ce texte, la date de la facture devrait coïncider avec celle du bien vendu ou la fourniture de la prestation de service, et le point de départ du délai de prescription ne devrait pas poser de difficulté.
La réalité n’est cependant pas toujours aussi idéale, et il n’est pas rare que le professionnel présente une facture plusieurs semaines, voire plusieurs mois ou plusieurs années, après la réalisation de la vente ou de la prestation.
C’est précisément un tel cas qui est venu devant la Cour de cassation.
En l’espèce, un entrepreneur avait réalisé des travaux de rénovation pour le compte de consommateurs au mois de février 2006 et avait attendu le 5 novembre 2009 pour présenter sa facture.
Assignés en paiement en juillet 2010, les consommateurs avaient fait valoir que le professionnel avait engagé son action plus de deux ans après la réalisation des travaux et que la prescription était donc acquise.
La Cour de cassation dans son arrêt du 3 juin 2015 a donné tort aux consommateurs, en considérant que « le point de départ du délai de prescription biennale de l’action en paiement de la facture litigieuse se situait au jour de son établissement. » ( Cass. Civ.1, 3 juin 2015 pourvoi n°14-10908 ).
Dans une note parue à la RDI 2015 p.410, un auteur, Henri Heugas-Danaspen, a approuvé cette décision.
On peut légitimement être d’un avis contraire, sachant qu’une facture doit être émise au jour de la réalisation de la vente ou de la prestation de service, et que le professionnel n’a pas la faculté de retarder, selon son bon vouloir ou son mode de comptabilité, le point de départ du délai de prescription.
Une facture n’est, par ailleurs, pas un acte interruptif de prescription, et elle n’est pas susceptible de prolonger le délai de deux ans dans lequel le professionnel doit engager son action en paiement pour les prestations qu’il a réalisées ou le bien qu’il a vendu.
Exemple jurisprudentiel
Un architecte réclame le paiement d’une facture à un client. Face au refus de ce dernier, l’architecte assigne le client aux fins d’obtenir le paiement de sa facture. Ainsi que sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Délai de prescription d’une facture : 2 ans
Le client s’oppose à ses demandes au motif que le délai de deux ans imparti à l’architecte pour saisir la justice serait prescrit.L’architecte expose :
- que la facture établie le 13 janvier 2011 était exigible le 25 février 2011 ;
- qu’il avait assigné le client en date du 06 février 2013, soit dans le délai de deux ans qui lui était imparti, lequel courrait à compter de la date d’exigibilité de la facture ;
- et qu’en conséquence, la prescription n’était nullement acquise.
Délai de prescription d’une facture : des précisions sur le point de départ du délai de prescription
Le client soutient, quant à lui, que le délai de deux ans court à compter, non pas de la date d’exigibilité de la facture, mais de la date à laquelle la facture a été établie. La facture litigieuse ayant été établie le 13 janvier 2011, son assignation datée du 06 février 2013 a été délivrée hors délai.La Cour de cassation a donné raison au client et a rejeté les demandes de l’architecte. Elle a considéré qu’il fallait se référer à la date de la facture pour déterminer le point de départ du délai de prescription et non pas à sa date d’exigibilité. Elle vient ici confirmer la décision rendue le 9 juin 2017 (Cass. 1re civ., 9 juin 2017, n° 16-12.457), par laquelle la Cour de cassation a jugé que la date à laquelle commence le délai de prescription est fixée au jour de l’établissement de la facture litigieuse et non au jour de l’exécution de la prestation.
2. Deuxième formule
Le point de départ du délai de prescription court à compter de l’achèvement de la prestation de service
Cette formule est conforme au texte de l’article L218-2 du Code de la consommation. C’est à compter de la réalisation de la vente ou de la prestation de service, que prend naissance le délai de deux ans durant lequel le professionnel peut réclamer le paiement de ce qui lui est dû.
Au demeurant, le professionnel qui attendrait plus de deux ans pour réclamer sa créance serait négligent, ou aurait des raisons inavouées de ne pas agir, et c’est, dès lors, de par son fait que la prescription pourrait lui être opposée.
Dans un arrêt du 10 décembre 2015, la Cour de cassation a rappelé que le délai de prescription de deux ans du Code de la consommation était applicable aux honoraires de l’avocat envers son client consommateur, et que le point de départ du délai se situait au jour de la fin de sa mission.
Dans ce même arrêt, la Cour de cassation a rappelé que le délai de deux ans n’était pas susceptible d’être interrompu par une mise en demeure.
En résumé, quand l’avocat a achevé sa mission, il doit agir en paiement dans les deux ans, et il ne peut pas prolonger ce délai ( Cass.Civ.2, 10.12.2015, pourvoi n°14-25.892).
Ce principe a été confirmé par la même juridiction dans un arrêt du 26 octobre 2017, pourvoi n°16-23.599 : « Vu les articles L137-2, devenu 218-2 du code de la consommation, … ; Attendu que la prescription de l’action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin ».
La fin du mandat d’un avocat correspond, pour un prestataire de service, à l’achèvement de la prestation pour laquelle il a été missionné, ou, pour un vendeur, au jour où le bien a été vendu.
La facture n’est que la marque de la vente ou de la prestation, et elle n’en est pas un élément constitutif : une vente ou une prestation se réalise, qu’il y ait ou non facture ultérieure.
Le délai de prescription est dépassé : que faire ?
Vous pouvez encore saisir le tribunal d’une procédure de recouvrement d’une facture impayée datant de plus de 5 ans. Les juges ne peuvent pas invoquer la prescription pour rejeter votre action, seul votre débiteur peut soulever la prescription pour faire échouer la procédure (article 2247 du Code Civil).
Toutefois, cette règle n’est pas applicable lorsque le débiteur est un consommateur. Le code de la consommation impose au juge de rejeter d’office l’action dès lors que celle-ci intervient après le délai de prescription. Ce n’est donc pas la peine d’engager une procédure judiciaire passé le délai de 2 ans.
En définitive, que vos créances soient commerciales ou civiles, passer le délai de prescription signifie presque automatiquement l’impossibilité de recouvrer vos créances.
Alors faites vous aider pendant qu’il est encore temps !
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