Impact du Covid-19 sur notre Système JudiciaireA compter du 16 mars 2020, et pendant toute la durée du confinement, le système judiciaire français semble s’être arrêté. Ici, à Mont-de-Marsan (Landes), Conseil de Prud’hommes et Tribunal de Commerce étaient tout...
Troubles anormaux du voisinage
Troubles du Voisinage
Quand l’enfer, c’est les autres …
Bruits incessants pendant la nuit, aboiements, travaux, odeurs nauséabondes, débordement de végétaux… certaines situations de vie en communauté peuvent parfois s’avérer un véritable enfer !
Face à des troubles anormaux de voisinage, quels sont les recours ?
Une notion issue de la jurisprudence
Le trouble anormal de voisinage est une notion juridique issue de la jurisprudence et non de la Loi, qui a été définie par la Cour de cassation dès 1960.
Il se fonde sur les articles 1240 et 1241 du Code civil selon lesquels
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer«
et
« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence« .
L’article 544 du même Code ajoute que
« la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements« .
De plus, l’article R. 1334-31 du Code de la santé publique dispose qu’
« aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité« .
➜ Délai pour agir : 10 ans à compter du trouble, mais mieux vaut ne pas tarder cependant.
Quelle est la définition du trouble anormal du voisinage ?
Pour qu’un trouble de voisinage soit caractérisé d’anormal, deux éléments doivent être réunis :
– Le trouble anormal de voisinage est un dommage réalisé par un voisin : le voisinage s’étend à une aire de proximité dans laquelle peuvent cohabiter plusieurs personnes. Il ne faut donc pas obligatoirement être voisin direct pour subir un trouble anormal de voisinage.
– Ce trouble doit être anormal et causer un préjudice : si chaque rapport de voisinage peut susciter des désagréments, il n’en reste pas moins qu’il ne caractérise pas nécessairement un trouble « anormal ». Sera considéré comme anormal un trouble répétitif, intensif et/ou qui dure dans le temps, ou bien le dommage doit outrepasser les activités normales attendues de la part du voisinage.
Démontrer le caractère anormal du trouble
Une personne subissant un dommage de la part de son voisin devra être en mesure de démontrer son caractère anormal par tout moyen :
- témoignages ;
- constats d’Huissier de justice ;
- mises en demeure de faire cesser le trouble ;
- demandes de faire respecter la règlementation en vigueur…
Le voisinage peut faire face à différents types de trouble anormal de voisinage.
En voici quelques exemples :
- Le tapage diurne : bruits émis pendant la journée entre 7 heures et 22 heures comme un volume sonore démesuré d’une chaîne Hi-Fi ou d’un poste de télévision…
- Le tapage nocturne : troubles de voisinage qui se passent pendant la nuit entre 22 heures et 7 heures
- Les travaux : les bruits de chantier étant élevés par nature, pourra être considéré comme anormal un chantier se réalisant en dehors des horaires règlementaires par exemple
- Les aboiements d’animaux
- Les nuisances olfactives provoquées par un particulier (entassement d’ordures ménagères, fumée…) ou par une entreprise (élevage d’animaux, usine…)
Quel recours face à un trouble anormal du voisinage ?
Face à un trouble anormal de voisinage, le plaignant peut contacter les services administratifs adaptés selon sa situation tels que le syndic de copropriété, la mairie ou la préfecture s’il s’agit de troubles causés par des professionnels (chantier, restaurant…) ou de nuisances olfactives, ou encore la police ou la gendarmerie en cas de troubles du comportement (tapage diurne, tapage nocturne, aboiements…).
Il peut encore saisir un conciliateur de justice, ou un médiateur, préalable indispensable si une action judiciaire doit s’en suivre.
En effet, en cas d’échec, le plaignant devra engager une procédure devant le Tribunal compétent.
Sachez que bien souvent, l’intervention d’un avocat, par une simple lettre de mise en demeure, permet de limiter, voire de mettre fin aux nuisances, et de rétablir une cohabitation apaisée, alors n’hésitez pas à solliciter leur aide.
Cas particulier
Arbres et végétaux en limite de propriété
Je consacrerai ici un paragraphe spécifique aux troubles du voisinage liés à la présence d’arbres ou végétaux en limite séparative, situation fréquemment évoquée dans mon cabinet :
Rappelons en premier lieu que sauf usages ou règlements locaux spécifiques à consulter en Mairie :
- Les arbres et arbustes doivent impérativement se situer au moins à une distance de deux mètres de la ligne séparative du fond voisin, pour les arbres qui dépassent deux mètres de hauteur.
- Si l’arbre ou l’arbuste a une hauteur moindre, il devra se trouver à 50 centimètres au minimum de la limite séparative.
En cas de non-respect de ces règles, le propriétaire du fond contrevenant peut se voir obliger, par décision de justice et sous astreinte, de couper les arbres, arbrisseaux et arbustes qui sont plantés à une distance moindre que la distance légale, tel que le prévoit l’article 672 du code civil.
Toutefois, le propriétaire des arbres et végétaux litigieux pourra échapper à son obligation dans deux cas :
- Lorsque les fonds voisins objet du litige étaient à l’origine une seule et même parcelle qui a été divisée et que les arbres étaient déjà existants, il s’est créé une servitude de bon père de famille. Les acquéreurs des différents lots ne pourront en conséquence pas solliciter l’arrachage de l’arbre à l’origine du trouble et devront en supporter les conséquences.
- Également, lorsque l’arbre litigieux est présent depuis plus de trente ans, la prescription acquisitive jouera et le voisin subissant le trouble ne pourra plus solliciter son arrachage.
Si l’arbre dépasse la hauteur prescrite depuis plus de trente ans, il en sera de même.
Mais encore et selon les dispositions de l’article 673 du code civil, le propriétaire des arbres peut se voir également contraint de couper les branches qui dépassent chez son voisin, quand bien même ces végétaux sont plantés dans la limite prescrite. Il en va de même pour les racines, ronces et brindilles.
Attention toutefois, car le droit de faire couper les racines, ronces et brindilles ainsi que celui de faire couper les branches des arbres et arbustes est imprescriptible. (article 673 du code civil)
De plus, quand bien même, le propriétaire du fonds subissant le trouble ne pourrait obtenir que l’arbre litigieux soit arraché, il pourra toutefois obtenir l’indemnisation du préjudice causé par le trouble. A charge bien entendu, de démontrer l’existence réel d’un préjudice.
Enfin, un voisin peut obtenir l’arrachage d’un arbre qui se trouve à une distance légale de la limite séparative mais qui créé un trouble anormal du voisinage, si cela est la seule manière de faire cesser le trouble.
Tout dépendra de l’appréciation que fera le tribunal du trouble…